13 Août 2020

Mars Sample Return : Mars en aller-retour

Analyser le sol martien ici, sur Terre, deviendra bientôt une réalité grâce à la mission Mars Sample Return. Menée par la NASA et l’ESA, cette mission comprend 4 lancements au total : 3 depuis la Terre et 1 depuis Mars – une première ! Arrivée des échantillons prévue courant 2031.
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Vue d’artiste du Sample Fetch Rover approchant un échantillon sur le sol martien Crédits : © NASA/JPL-Caltech

Récolter des échantillons, les faire voyager depuis Mars pendant 2 ans en respectant des règles de « distanciation » (pour la protection planétaire) et les accueillir dignement sur Terre posent de nombreux défis techniques et pratiques.

Récolter des matériaux

Lancé en juillet 2020, Perseverance, un rover américain de plus d’une tonne, atterrira à la surface de Mars en février 2021. Il doit se poser dans le cratère Jezero sélectionné car des argiles y ont été détectées depuis l’orbite. De plus, sa géométrie laisse également penser qu’il a été comblé partiellement par des sédiments charriés par 2 anciennes rivières dont l’épaisseur pourrait atteindre 1km.

Perseverance parcourra plusieurs kilomètres, les instruments analyserons les sols rencontrés et - sur instruction des scientifiques - le bras instrumenté forera régulièrement les roches ou le sol jusqu’à 6 cm de profondeur. L’objectif ? Prélever directement quelques grammes de matériaux dans des tubes qui seront ensuite hermétiquement scellés. Au cours de son parcours, le véhicule déposera une trentaine d’échantillons au sol, dans des lieux faciles d’accès et en gardera probablement une partie à son bord.

Récupérer les échantillons

La récupération des échantillons collectés par Perseverance est organisée en plusieurs étapes. La première fait intervenir un atterrisseur développé et envoyé vers Mars par la NASA avec, à son bord, une plateforme de lancement et une fusée martienne : le « Mars Ascent Vehicle », ainsi qu’un véhicule européen de collecte des tubes, le « Sample Fetch Rover ». Ce rover est destiné à récupérer les échantillons déposés sur son trajet par Perseverance, afin de les rapporter au « Mars Ascent Vehicle ». Celui-ci sera capable de placer en orbite martienne le conteneur (l’« Orbiting Sample »), où seront disposés les échantillons. Il s’agira du premier décollage depuis la surface de Mars !

Pierre Bousquet, expert en planétologie, exploration et microgravité au CNES note que « s’il est encore opérationnel, Perseverance sera aussi en mesure de rapporter au MAV une partie des échantillons qu’il aura gardés avec lui. Il se déplace cependant plus lentement que le rover européen et mettra donc probablement plus de temps à rejoindre le MAV. »

Livrer la capsule

Parallèlement, un second lancement depuis la Terre placera en orbite martienne le satellite européen ERO « Earth Return Orbiter ». Sa mission est de récupérer l’« Orbiting Sample », afin de le placer dans la capsule de retour sur Terre appelée « Earth Entry Vehicule ». ERO reprendra alors le chemin de la Terre et placera, après vérification de son étanchéité, le « Earth Entry Vehicule » sur sa trajectoire de rentrée. Il pénétrera l’atmosphère terrestre, bouclier thermique en avant. Il sera seulement ralenti par le frottement atmosphérique sur son bouclier, sans l’aide de parachute ni de moteur. Lors de l’impact au sol à environ 200 km/h, les échantillons seront protégés grâce à la déformation que peuvent subir les matériaux qui composent la capsule.

Le « Earth Entry Vehicule » sera récupéré dans le désert de l’Utah (Etats-Unis) en 2031 avec 500 g d’échantillons de sol martien.

La contamination : risque inédit du retour d’échantillons

Pour éviter tout risque de contamination - tant de l’environnement terrestre que des échantillons que - ces derniers seront conditionnés au sein de 3 enceintes étanches. Récupérés dans le désert de l’Utah, la capsule sera transportée dans un laboratoire américain de classe P4. Ce type de laboratoire est agréé à recevoir et étudier des micro-organismes hautement pathogènes, et éviter tout contact direct entre les opérateurs et les objets qu’ils étudient.

Les échantillons seront soumis à un sévère régime de quarantaine sanitaire. Les tubes seront manipulés puis ouverts, sous atmosphère contrôlée, dans des boites à gant hermétiques à double parois.

C’est dans ces conditions que les scientifiques chercheront si les échantillons contiennent une éventuelle forme de vie martienne active ou simplement dormante. Les échantillons ne seront ainsi distribués pour des analyses géologiques ou géochimiques poussées, qu’une fois stérilisés ou déclarés inoffensifs pour la biosphère terrestre. Les analyses chercheront aussi des traces fossiles d’une forme de vie passée. Cette procédure se fonde sur un principe de précaution simple : « On considère la possibilité qu’une forme de vie martienne soit présente dans les échantillons, car l’on ne peut prouver le contraire » explique Michel Viso, expert en exobiologie et protection planétaire au CNES. Il rappelle aussi que ces précautions ont une seconde utilité : « l’intérieur des caissons hermétiques est isolé de l’atmosphère terrestre, ce qui préserve l’intégrité chimique des échantillons et leur valeur scientifique. »

L’expertise française au service de Mars Sample Return

Au sein de Mars 2020, la France a été au cœur du développement de SuperCam. Elle sera également au cœur des opérations de l’instrument, piloté depuis le FOCSE, au CNES Toulouse.

« Et nous ne sommes pas en reste sur la participation française à MSR » ajoute Pierre Bousquet. C’est en effet un orbiteur développé et assemblé par Airbus Defense and Space à Toulouse qui effectuera la manœuvre de récupération des échantillons en orbite autour de Mars et leur retour vers la Terre. Une première mondiale dans l’histoire de l’exploration planétaire. Il seralancé depuis Kourou par le futur lanceur Ariane 64.

En complément, le CNES développe depuis de nombreuses années un système de navigation autonome pour véhicule d’exploration planétaire. Ce système, équipe déjà le rover de la mission ExoMars « Rosalind Franklin » et c’est un candidat sérieux en vue d’une implantation sur le « Sample Fetch Rover ».

Pour préparer le retour d’échantillons, l’Institut des Sciences de la Terre de Grenoble et le CNES ont développé un « mini P4 » pour réaliser des analyses de fractions d’échantillons martiens, en les conservant confinés, avec le synchrotron, le plus puissant des « microscopes ».

Enfin, à l’initiative de la France, l’Europe se prépare à construire une infrastructure capable d’accueillir les échantillons martiens pendant leur phase de quarantaine. Le but ? Rechercher dans ces échantillons la présence d’une forme de vie éventuelle ou y détecter des risques biologiques potentiels. Une telle infrastructure, qui pourrait se situer en France, assurerait en outre une contribution importante et visible de l’Europe aux découvertes qui seront faites.

 

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